La presse doit être libre pour pouvoir jouer son rôle de contre-pouvoir essentiel à la démocratie. Or aujourd’hui le pouvoir prend principalement deux formes : l’Etat et le Capital, il faut donc que la presse s’émancipe simultanément des deux.
L’accaparement progressif de l’ensemble des médias par des milliardaires ((«Aujourd’hui ce sont les milliardaires qui vous informent», Claude Baudry, L’Humanité, 11/4/2016)) ne fait qu’accentuer et mettre en lumière le problème structurel que pose la possession de média par des propriétaires externe. Ces médias ont pour but de faire du profit ou de servir l’influence de leurs propriétaires, et ne peuvent donc pas remplir leur rôle. On peut sévèrement limiter les effets avec des lois anti-concentration, en réorientant les aides publiques, etc. mais cela ne règle pas structurellement le problème.
Puisque que les médias remplissent un service d’intérêt général, la solution qui est souvent proposée est d’améliorer le service public de l’information, de créer plus de médias publics, etc. Il est effectivement indispensable de disposer d’un véritable service public de l’information, dont il faut autant que possible garantir la dépendance par rapport au pouvoir (et il y a du travail). Mais tant que son existence, son organisation, son budget, etc. dépendront de l’État, ce service public de l’information ne pourra pas être véritablement indépendant.
En plus des nécessaires médias publics, la démocratie a donc besoin d’un paysage médiatique qui soit en grande partie privés, tout en remplissant une mission d’intérêt général. Ils doivent donc être accessibles à tous, tout en assurant des revenus justes à ceux qui produisent cette information.
Le modèle publicitaire va dans le mur et même s’il se reprenait il serait insuffisant et le modèle tout payant est également problématique. La solution est une licence globale permettant d’accéder librement à la presse en ligne.
Principe de la licence globale pour la presse en ligne
Quasiment toutes les mesures imaginées sur la musique en ligne sont transposables pour la presse en ligne. L’idée générale est la suivante : chacun alimente un fond pour la presse en ligne et ce fond est ensuite distribué aux médias en fonction du service d’information fourni à la société. Le mode de financement et de distribution et les modalités techniques précises de mise en œuvre ont leur importance, et je les évoque dans un article à part : Licence globale pour la presse en ligne : les modalités.
Mais quels que soient les choix faits sur ces points, le plus important et qu’ils puissent être modifiés au besoin par les principaux intéressés. On peut par exemple imaginer une gouvernance du fond tripartite : les journalistes, les lecteurs, des élus (1/3 pour chaque). C’est cette instance qui fixera les principales caractéristiques de la licence globale.
Perspectives
Si l’idée d’une licence globale pour la presse en ligne n’est pas portée politiquement, de nombreux projets privés comparables émergent. D’abord, diverses offres d’abonnement mutualisés sont disponibles ((epresse.fr, la presse libre, SFR Presse (lire SFR Presse est disponible : comment ça marche ?))), mais elles ne couvrent qu’une chacune qu’une toute petite partie de la presse. Le projet le plus abouti dans le sens d’une licence globale est probablement Google Contributor : en échange d’un abonnement mensuel auprès de Google et de l’utilisation de son navigateur Chrome, l’abonné voit moins de publicités et contribue au financement des sites qu’ils visitent, à condition là aussi que les sites utilisent les outils publicitaires de Google.
Au-delà du fait qu’elles ne résolvent que très partiellement le problème du « tout payant », ces solutions privées sont fondamentalement dans une impasse :
- Soit chacune ne regroupe qu’un faible nombre de médias, et l’utilisateur va donc devoir multiplier les abonnements, et le problème reste donc entier.
- Soit une solution réussi à s’imposer à une très grande partie des médias en ligne. On se retrouvera donc avec une société privée (genre Google) gérant le financement de l’intégralité de la presse en ligne, ce qui est probablement encore pire que la situation actuelle pour la liberté de la presse.
Il est donc nécessaire de défendre les idées de société de presse à but non lucratif comme statut et de licence globale pour la presse en ligne comme mode de financement.